Comment reconnaît-on un cocu ?

[Eugene]

Comment reconnaît-on un cocu ? Fait-il traîner ses savates sur le sol quand il marche? Rit-il plus fort que tout le monde quand quelqu'un lance une blague hilarante sur le sexe? Est-ce le gros bouffon qui lèche ses gouttes de sueur dans le coin d'un quelconque bar? De deux choses l'une, ou bien c'est le type de personnalité qui souffre en silence et qui tente de cacher son malaise à tout prix ou bien ce sont des hommes qui ne craignent pas le danger, ont une confiance aveugle en autrui ou se fichent carrément de leur conjointe.

Aucun de mes amis n'est venu près de moi et ne m'a confié: Tu sais, je suis cocu. C'est une interaction sociale impossible: les hommes sont trop fiers, trop suffisants. Je l'ai toujours appris par la bande, comme on dit; par une tierce personne qui n'entretenait pas nécessairement de relation étroite avec le mâle cocufié. Quand l'information avait couru jusqu'à l'oreille de la majorité des curieux, il m'est arrivé d'en discuter avec le principal intéressé. À toutes les fois, celui-ci contenait sa rage avec d'énormes difficultés. Je ne voulais pas créer de commotion inutile alors je changeais vite de sujet de conversation.

Les femmes diront qu'il faut pardonner, donner une deuxième chance. C'est dans leur nature de japper des sornettes pareilles. Le pardon n'existe pas sauf pour les âmes nobles, qui n'existent aussi qu'en théorie. Elles prétendront que de petites escapades renforcent le couple, le resserre. Par ailleurs, voilà des excuses pour expier ses propres fautes. Chacun se recroqueville sur son propre nombril quand les temps portent à se repentir.

Parce que ça doit faire atrocement mal de se savoir cocu. On doit perdre le sommeil pour plusieurs lunes quand on apprend que notre conjointe nous trompe. J'imagine la douleur comme une plaie ouverte qui enraye le fonctionnement de nos poumons, une brûlure dont les émanations nous asphyxient. Un mâle, digne de ce nom, se lève barbouillé une matinée où il ne réussit plus à percevoir les parfums de sa copine, souillés par les baisers et les caresses d'un autre prétendant. Même s'il pense que ça arrive à tous les hommes, il ne réussit sûrement pas à digérer cet affront ultime qui remet en question toute sa virilité. L'homme est une créature de compétition, vous savez. Si un autre coq entre dans sa basse-cour, il se gonfle le torse, sort les poings et s'apprête à frapper son adversaire avec vigueur. Je vous passe tous les crimes passionnels dont le Québec a été le spectateur, mais il appert que l'orgueil masculin peut être la cause d'un meurtre.

Ce n'est pas toutefois ce dont j'ai envie de parler. Je suis plutôt pacifique sauf si on me ment lâchement. Évidemment, je n'ai pas deux coucougnettes entre les jambes pour les définir comme deux breloques qui pendouillent en guise de décoration. Elles me servent à assumer ma prestance de mâle reproducteur. Sinon, à quoi serviraient-elles? Ce ne serait pas plaisant non plus d'avaler sa langue et de se laisser humilier vilement. Il faut réagir et châtier la femme coupable. Se rebeller de surcroît.

Dans le fond, comment doit se comporter un homme qui a été cocufié? Il devrait se venger et foutre le camp! Oeil pour oeil, dent pour dent. Vaut mieux appliquer cette loi que de s'apercevoir un bon jour qu'on a tellement plié, qu'on a accepté les caprices de sa concubine sans jamais qu'elle ne remette en question ses actions, qu'on a agi comme un pleutre et que tout le monde nous méprise désormais, que nous ne sommes plus l'ombre de l'homme que nous étions jadis. Il ne faut tolérer aucun écart de conduite sinon notre couple est voué à l'échec de toute façon

Je vais vous raconter l'histoire de Charles, un cocu. Charles a découvert un jour que sa femme l'avait trompé plusieurs fois avec un collègue de travail. Une histoire typique. Il l'a confrontée pour qu'elle avoue son crime, ce qu'elle a fait, voyant que son couple était en péril. Jurant qu'elle n'allait jamais recommencer, pleurant toutes les larmes de son corps, le sympathique Charles décida de la reprendre parce que, de toute manière, il n'aimait que sa femme. Deux ans passèrent et tout semblait être rentré dans l'ordre

Charles, un homme de carrière infatigable, devait un soir prendre un vol vers une destination européenne. Le vol fut contremandé pour des raisons de sécurité. Il prit sa voiture et retourna chez lui dans la tempête. Aussitôt la porte de sa maison ouverte, il remarqua quelques détails inusités. Des vêtements traînaient sur le sol, et plus en haut, au deuxième étage, une musique d'ambiance berçait le lieu. Il se dépêcha de monter l'escalier et découvrit sa femme nue dans les bras d'un autre homme. Quelle vision d'horreur. C'est toute sa vie qu'on voit défiler quand une telle chose nous arrive, je crois.

Il a pardonné à sa femme une autre fois. C'est une histoire vraie. Que pensez-vous de cet homme? Moi, je pense qu'il aurait besoin d'une injection de testostérones et d'un bon coup de pied dans le cul!

Êtres cocufiés, dites non simplement.