"Fidèle à soi" ou au partenaire ?

Quel comportement adopter face à l’adultère, comment réagir? Beaucoup de questions, quelques débuts de réponses. Ne pas poster de témoignage dans cette rubrique.

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Sans Prétention
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Enregistré le : jeu. 5 mars 2015 19:32

"Fidèle à soi" ou au partenaire ?

Message par Sans Prétention »

« Mon mari et moi dînions chez des amis. À la fin de la soirée, ils nous ont proposé de rester avec eux et de faire l’amour à quatre. Nous étions très surpris, et assez gênés aussi. Nous ne savions pas du tout qu’ils avaient des comportements limite pervers », raconte Catherine, 42 ans. « Limite » ? ou franchement « pervers » ? Ghislaine Paris, médecin et sexologue, établit d’emblée la distinction : « Il ne faut pas confondre la perversion et la fantaisie sexuelle. La première est une pathologie ; la seconde, une transgression par rapport à une morale ambiante ou personnelle qui évolue avec le temps. Par exemple, la sodomie, qui était autrefois considérée comme une perversion, est une pratique aujourd’hui admise. Le vrai pervers se moque de la norme et de la morale : seule compte sa jouissance, à laquelle il n’accède que d’une manière. Et il se sert de l’autre sans états d’âme ni compassion pour y parvenir. »

Selon la thérapeute, ce qui menace le couple aujourd’hui est une dérive vers certaines caractéristiques perverses, telles que l’utilisation ou la manipulation de l’autre pour réaliser ses fantasmes. Si les quatre amis avaient été ravis de tenter l’expérience, ils auraient juste pratiqué un jeu entre adultes consentants. En revanche, si son mari avait été complice de ces amis sans en parler à Catherine, espérant qu’elle n’oserait pas dire non le moment venu, la perversion n’aurait pas été loin. Nous sommes tous des pervers en sommeil, rappelle Ghislaine Paris. Selon Freud, tout enfant explore l’ensemble des pulsions – voyeurisme, sadisme, masochisme, fétichisme – qui l’agitent. D’où le terme de « pervers polymorphe » que le père de la psychanalyse a employé pour le caractériser.

À l’âge adulte, nos pulsions se manifestent dans nos fantasmes, lorsque nous regardons un film pornographique, par exemple. Elles nous procurent une excitation, sans qu’il y ait de passage à l’acte, tout en révélant cette « part obscure de nous-mêmes », pour reprendre l’expression de l’historienne de la psychanalyse Élisabeth Roudinesco. Nous sommes capables d’osciller d’une pulsion à l’autre, de butiner çà et là, entre voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme, notamment en fonction du désir de notre partenaire. Le pervers, lui, reste « bloqué » sur un seul « scénario », un seul mode de jouissance.

Qui est tenté ?

Certains sont plus susceptibles que d’autres de franchir la ligne jaune qui sépare la pulsion de la perversion. Ceux qui ont été élevés dans l’illusion de leur toute-puissance peuvent être tentés de refuser la modération de leurs désirs et dériver vers des pratiques perverses. D’autres peuvent avoir été abusés et reproduire le comportement qui leur a été imposé, chosifiant l’autre comme ils l’ont été. La victime, celle qui rentre dans le jeu du pervers, peut également avoir subi des abus ou ne pas avoir été respectée dans son enfance. Traitée comme un objet à l’âge de sa construction psychique, elle a du mal à reconnaître ses préférences, à imposer ses choix. Et son énorme besoin d’être aimée la pousse à accepter des pratiques qui ne lui plaisent pas, par peur d’être abandonnée.

En revanche, quand les pratiques sont mutuellement consenties, le couple peut en sortir plus soudé, plus complice de ses explorations : « J’avoue que j’aime faire l’amour attachée, confie en rougissant Sophie, 48 ans. Ou que mon mari me fouette légèrement avec une tige de roseau, comme le fait Alain Delon avec Romy Schneider dans La Piscine de Jacques Deray (1969), un film que j’avais vu adolescente et qui m’avait beaucoup marquée. Cela amuse aussi mon compagnon, et nous nous offrons ce petit scénario de temps en temps. » Faire l’amour suppose toujours de tempérer une partie de ses pulsions pour aller vers l’autre.

Une jouissance égoïste

Mais aujourd’hui, le culte de l’individualisme ne favorise pas cet élan. Il incite au contraire au déploiement de nos penchants pervers : tel un enfant gâté, chaque partenaire a tendance à revendiquer sa propre jouissance, jouant sa partition sans se soucier du plaisir de l’autre. La publicité exploite cette hypertrophie du moi, avec des slogans comme : « Je le vaux bien », « J’y ai droit », « Tout, tout de suite, ou je fais un malheur ! » Elle joue sur du velours : nous avons tous tendance à rechercher la satisfaction de nos besoins personnels avant l’assouvissement de ceux des autres. Ajoutons encore que certains scénarios publicitaires mettant en scène des pulsions sadiques ou exhibitionnistes réveillent les nôtres, les banalisent et les favorisent.

Sans oublier certains médias, qui nous laissent penser que la France entière s’adonne à l’échangisme, quand cette pratique ne concerne que 1 % des couples français (Enquête sur le désir féminin, Ipsos, 2008). Ce culte de la jouissance sans limites ne présente plus la transgression comme une fantaisie, mais comme une obligation. « Si, autrefois, la sexualité était trop réprimée par la morale, provoquant l’apparition de névroses, elle est aujourd’hui menacée de perversion par des limites trop floues, voire absentes », observe Ghislaine Paris. La frustration n’est plus au programme, et l’autre peut se transformer en accessoire, parfois même disparaître aux yeux de son partenaire. Sabine, 35 ans, que son mari ne touchait plus depuis des mois, l’a surpris sur des sites pornos très hard, ce qui a fait exploser leur couple. Le scénario eût été bien différent s’ils avaient regardé ensemble un film, pour partager ensuite l’excitation procurée. La banalisation de la pornographie, l’usage des sex-toys vont dans le sens d’un plaisir souvent centré sur soi : plus besoin de personne pour jouir…

Un partenaire culpabilisé

Que se passe-t-il quand l’un des deux veut imposer telle ou telle pratique ? Il tente de culpabiliser son partenaire – « Tu es trop coincé(e) » –, d’exercer une pression ou un chantage – « Je vais finir par aller voir ailleurs ce que tu ne me donnes pas ». La pulsion devient despote, chacun étant prêt à tout lui sacrifier, à commencer par son couple. Fanny, 30 ans, en a fait l’expérience : « Je connaissais Thomas depuis quelques mois quand, un matin, il est parti de chez moi en laissant une boîte sur le lit, sans un mot. À l’intérieur, il y avait des porte-jarretelles noir et rouge, des talons de dix-huit centimètres, des culottes fendues et un string masculin en cuir. J’en suis restée baba. Les sous vêtements sentaient la transpiration, visiblement, ils avaient déjà été portés. Je lui ai renvoyé son colis par la poste sans un mot. Et je n’ai plus jamais eu de nouvelles. » De plus en plus d’hommes et de femmes attendent de la relation qu’elle leur permette de réaliser leur(s) fantasme(s), sans se soucier de la réaction de l’autre. Un contresens complet de ce qui définit, fonde le couple, lieu du partage de la jouissance et rempart contre la perversion.

Un dialogue nécessaire

Que faire en présence d’un vrai pervers ? Une seule solution : la fuite, préconise Ghislaine Paris. Et en cas de dérapage de son partenaire quand tout se passait bien jusque-là ? En parler. Car accepter des comportements qui nous font violence mine la relation. Ou la délite. Fanny confirme : « Si Thomas m’avait demandé de me déguiser, cela m’aurait peut-être séduite. Mais la panoplie qui avait déjà servi, sans un mot, c’était trop violent, je me suis sentie utilisée. » N’ayons pas peur de prendre la parole pour affirmer nos désirs, ne nous laissons pas malmener de crainte de passer pour un ringard ou une coincée, conseille la sexologue.

Et si, nous-même, nous nous sentons glisser sur une pente dangereuse ? S’en ouvrir à l’autre peut permettre de sortir d’une sexualité immature et autocentrée. Sébastien, 29 ans, a reçu une douche froide qui l’a fait réfléchir : « J’aimais bien filmer mes partenaires en train de me faire une fellation. Pas pour le montrer à d’autres, mais parce que cela renforçait mon plaisir. Un jour, j’ai rencontré Julie, qui m’a mis à la porte en pleine nuit lorsque j’ai sorti mon portable. Le lendemain, je lui ai apporté des fleurs pour m’excuser. Nous vivons ensemble depuis un an. J’ai laissé tomber la vidéo, ce qui ne nous empêche pas d’avoir une sexualité très inventive ! » Le couple peut être une aide précieuse pour grandir et mûrir sexuellement. Alors, nous pourrons trouver des compromis, explorer ensemble certaines fantaisies, conjuguer joyeusement des désirs forcément différents, parfois même contradictoires.

« Il n’y a pas de rapport sexuel », disait Lacan

Pour le psychanalyste Jacques Lacan, nous sommes toujours seuls dans la jouissance. Une affirmation que le psychanalyste Pierre Marie, auteur notamment de Psychanalyse, psychothérapie : quelles différences ? (Aubier, 2004). explicite : « Le pervers met en scène la réalité de cette solitude du début de l’acte sexuel jusqu’à sa fin. À l’opposé, le névrosé – c’est-à-dire nous tous – feint d’ignorer que la jouissance physique est une expérience solitaire, car il ne peut se passer de l’amour. Il enrobe cette réalité pour la rendre vivable. Le pervers possède cette lucidité folle, d’où sa solitude, alors que le névrosé vit dans l’illusion du partage. »

Source : http://www.psychologies.com/Couple/Sexu ... perversion
Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe et fausse (H.L. Mencken)
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