La haine de l'amour

Quel comportement adopter face à l’adultère, comment réagir? Beaucoup de questions, quelques débuts de réponses. Ne pas poster de témoignage dans cette rubrique.

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Sans Prétention
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La haine de l'amour

Message par Sans Prétention »

Je vous invite ce mois-ci à vous plonger au coeur d’un monde particulièrement glauque mais dont on doit savoir qu’il existe, un monde où derrière de belles apparences souvent trompeuses, sévit la perversion relationnelle, la « perversion du lien » . Perversion est pris ici sous son sens littéral de « détourner de son but », il n’y a pas vraiment d’allusion à une quelconque perversion sexuelle, bien qu’elle puisse tout à fait être également de la partie et renforcer le système. « La Haine de l’amour » est le titre d’un livre écrit par Giovanna Stoll et Maurice Hurni, psychiatres, psychanalystes et sexologues, spécialisés dans les thérapies de couple. En tant que thérapeutes de couple, ils sont par conséquent très souvent amenés à traiter des problèmes sexuels qui sont un des principaux motifs de demande de consultation. Mais derrière ce symptôme exhibé, ils ont été amené à détecter en arrière plan une problématique infiniment plus grave qui le sous-tend : celle de la perversion narcissique.

Mais pas la perversion narcissique telle que nous l’a faite connaître entre autres M.F.Hirigoyen dans « le harcèlement moral » pour ne citer qu’elle. Pas la perversion avec le schéma pervers/victime en souffrance, mais incapable de se délivrer de l’emprise sous laquelle elle est malencontreusement tombée et dont elle reste prisonnière en raison d’une dépendance affective créée ( ???) par le pervers. Ici nous pénétrons dans un monde sans victime, un monde où deux êtres sont totalement complices et parties prenante d’une relation pervertie à laquelle ils tiennent plus qu’à tout. A moins que la victime apparente soit de fait celle qui tire les ficelles et le pervers apparent celui qui « agit » la perversion de son partenaire. N’oublions pas que dans ce monde, le renversement est roi !



Maurice Hurni et Giovanna Stoll ont longuement étudié les relations de couple de ces personnes que rien ne distingue vraiment des autres, tellement la perversion sévit à bas bruit derrière une apparence préservée à tout prix, narcissisme oblige. Une perversion qu’on ne décèle que si on écoute attentivement ce qui se montre mais ne se dit pas, et surtout si on connaît les mécanismes qui sous-tendent cette relation faite de « haine de l’amour » ou plutôt devrait-on dire de phobie de l’intimité.

Je vous invite à suivre de très près les auteurs dans un survol de la description de la relation de couple perverse. Il se peut que vous soyez choqués au premier abord tant ces mécanismes de « communication » paraissent monstrueux à tout individu « normal », puis incrédules tant ils ont au premier degré une apparence banale à laquelle on a envie de trouver une explication rationnelle. Mais il se peut aussi que vous compreniez le sens de certaines rencontres qui vous ont laissé un goût amer ou au moins un inexplicable sentiment de malaise…


Revenons à la relation perverse dans le couple, sachant que le couple n’a pas le monopole de ce type de relation, loin de là ! Plus que les individus c’est bel et bien la relation qui est pervertie ; Il va de soi que les traits décrits ici ne sont pas le fait d’une situation ponctuelle (ou alors tout le monde est pervers) mais doivent être stables, répétitifs et durables dans le temps au point d’en devenir une caractéristique personnelle, un trait de caractère, une manière d’entrer en relation avec l’autre. Je suivrai de très près ici le cheminement du livre et de la pensée de ses auteurs :

- D’abord au premier abord, on est gêné par la dissonance qui génère immédiatement un sentiment de malaise. Non pas une dissonance outrancière et choquante mais souvent un petit détail discret qui suscite juste un sentiment de gêne indicible. Ce détail peut résider dans un détail vestimentaire incongru, ou une inadéquation de la tenue vestimentaire et l’aspect physique de la personne (tenue sexuellement provocante sur une personnalité à l’apparence infantile par exemple), mais peut être aussi une caractéristique physique, une voix criarde, haut perchée, discordante, ou encore inaudible, ou encore une attaque agressive des phrases qui se terminent dans une rondeur hypocritement mielleuse, ou encore une tonalité de voix non adaptée au propos tenu…bref quelque chose qui cloche et « s’exhibe naturellement ». A moins que ça ne réside dans le comportement, la gestuelle…

- La haine des structures, des lois, de la hiérarchie transparaît dans leur comportement général. Souvent la loi est détournée à leur profit (fraudes fiscales, aides ou allocations obtenues de manière frauduleuse…). Dans la relation thérapeutique, il y a immédiatement tentative de renverser la situation, de mettre le thérapeute en position de solliciteur, pour ne pas dire de complice, en tout cas à minima d’établir une égalité : ils ne sont pas en demande d’aide, ils veulent bien nous accorder un peu de leur précieux temps ! Ne nous y trompons pas, ce ne sont pas des rebelles qui veulent détruire les structures légales, ils en ont bien trop besoin pour avoir le plaisir de les détourner. Mégalomanie et mépris envers ce qui est trop « officiel », le mariage par exemple, sous-tendent leur discours non comme une prise de position personnelle, une idéologie, mais vraiment comme mépris de ce qui incarne un statut de couple et ce qu’il représente. D’ailleurs ce mépris touche tous les domaines : la médecine officielle rendue souvent responsable des maladies endurées par exemple. De ce fait il est souvent fait appel à des options ou croyances « parallèles » : médecines douces, magnétisme, voyance, spiritualité…mais moins pour un choix de vie personnel que pour une recherche de toute puissance : on cherche à maîtriser l’émotion, l’énergie, l’avenir, devenir maître de son destin, beaucoup plus qu’une aide même alternative à un quelconque problème !

- Le couple grandiose : on a vite fait de remarquer que le couple se sent exceptionnel, qu’ils n’entendent en aucun cas être confondus avec le commun des mortels dont ils font tout pour se démarquer en vantant leur « marginalité », leur mépris des « sentiers battus ». Point d’originalité là encore dans un choix de vie non conformiste, juste mépris de ce qui a un caractère trop « ordinaire » pour leur côté « extraordinaire ». Fusse dans la pathologie dont ils peuvent tout à fait tirer fierté : ainsi se croient-ils des cas exemplaires, des cas comme eux, le thérapeute n’en a jamais rencontré, c’est sûr…en clair ils ont quelque chose à lui apprendre !

- Le goût du risque : ils semblent ne tenir que peu à la vie et mépriser la mort d’où de nombreuses conduites à risques (en voiture, dans leur sexualité, leur santé…) sous tendues par une certaine anesthésie qu’elle soit physique ou affective. L’opinion des auteurs est qu’ils montrent à quel point leur vie a peu de prix…à moins que là aussi la toute puissance ressentie fasse que rien ne puisse les atteindre, fusse la mort ! Le rapport au corps est d’ailleurs particulier, à la fois honteux et agressif (on le cache, ou on le maltraite avec indifférence, ou on le gave de médicaments ou on le « fait opérer » pour faire taire son côté persécuteur, le faire « fonctionner » envers et contre tout, à moins qu’on ne le soigne pas du tout…) comme si c’était un élément étranger au reste de la personne, une des raisons pouvant être qu’ils ont du s’en « couper » en raison d’un abus dans l’enfance, l’abandonner à son triste sort pour sauver le reste de leur personnalité, le condamnant à porter à lui seul la charge de la honte, de la salissure qui ne les concerne plus ?

- La tonalité de la voix : nous avons vu que la voix peut servir à créer une impression de discordance, mais elle est aussi et surtout un instrument de communication. Elle va donc sous tendre la communication perverse, en particulier pour enlever toute tonalité affective au contenu émis. Et bien sûr l’éternelle discordance entre tonalité de voix et contenu du propos : flatterie énoncée, ton ou attitude méprisante simultanés ou encore ton anodin pour énoncer des drames ou dramatique pour énoncer des banalités.

- En effet, l’affect est l’ennemi, il s’agit de le traquer partout où il peut s’installer et bien sûr surtout dans la relation amoureuse qui pourrait s’installer. Ainsi la relation amoureuse sera-t-elle évoquée sous son seul plan sexuel…et encore le sexuel réduit à la fonction physiologique, les échanges prennent un caractère technique, mécanique, pour ne pas dire hygiénique. Les auteurs nous citent l’exemple de cet homme évoquant son couple qui « avait des chances de réussite, techniquement parlant » ou encore le commentaire du plus haut romantisme « balai neuf balaie bien ». Le partenaire présentant un dysfonctionnement sur ce plan est traditionnellement présenté comme un « sex toy » à réparer, à moins qu’il n’y ait une plainte de style « tromperie sur la marchandise ». Parfois des formulations crues viennent renforcer la distance mise avec l’affect. Citons « à son âge elle ne vaut plus rien sur le marché du cul ! », formulations qui s’inscrivent bien sûr de manière abrupte , paradoxale, dans un discours ou une situation où elles ne sont pas de mise. L’émotion est déconnectée, de même les manifestations affectives quand elles se produisent. Ainsi les larmes peuvent couler toutes seules, sans qu’un lien ne se fasse avec le sujet évoqué. On parlera d’allergie, de poussière dans l’oeil…

- L’attribution à l’autre de pensées, intentions, manipulations à tout propos, rien n’est spontané, tout est calculé (c’est ainsi qu’ils fonctionnent eux-mêmes)...
Après l’énoncé de ce que l’autre a fait ou a dit, il y a immédiatement analyse (très personnelle) des intentions supposées de cet acte ou de ce propos. Rien n’est jamais anodin : « il a dit ça parce qu’il avait l’intention de me pousser à réagir comme çà… ». De fait c’est leur propre fonctionnement qu’ils projettent sur l’autre. Le renversement de situation sert la déresponsabilisation « le médecin a demandé des analyses parce qu’IL était inquiet », je comprend que je dois agir ainsi avec toi parce que TU es amoureuse, etc…

- Les gaffes, les maladresses sont multiples. D’emblée on pense naïvement à un manque de tact. Par exemple cet homme qui fait l’éloge devant sa femme des qualités sexuelles de sa maîtresse (ou l’inverse). Derrière ce qui peut être vu comme simple muflerie se cache bien le sadisme et le mépris de l’autre . Ce qu’il y a d’aussi extraordinaire que caractéristique, c’est que le partenaire ne semble en rien s’en offusquer. Soit le partenaire banalisera la situation « oui, c’est souvent comme ça que ça se passe », soit il abondera dans le sens de l’autre « c’est vrai que je ne suis pas très porté(e) sur la chose », soit le plus souvent il fera comme s’il n’avait rien entendu et changera de sujet, totalement impassible. Gardons nous de plaindre trop tôt cette pauvre victime écrasée qui n’a même plus la force de réagir… Car derrière cette attitude de soumission se cache une très puissante contre attaque qui réside en la disqualification de l’autre (dont les sentiments, les avis et les conduites ne l’intéressent pas), de la relation extra conjugale de l’autre (qui ne l’intéresse pas plus), du couple officiel (qui n’est pas un couple basé sur la liberté sexuelle des partenaires mais un couple des plus classiques basé sur la fidélité et la monogamie, n’oublions pas le caractère dissonant obligatoire !), et surtout disqualification de l’amour par ailleurs affiché parfois à outrance qui ne peut-être que blessé par l’inconduite de l’autre ! D’ailleurs la disqualification des sentiments est omniprésente. Ainsi si vous demandez à ce couple comment ils se sont rencontrés, n’attendez aucune complicité mutuelle, ni aucun émoi dans l’évocation de ce souvenir : ce qui prédomine est le hasard (il était là, alors ça c’est fait !) ce qui sous tend bien le fait que n’importe qui d’autre présent au même moment au même endroit aurait pu faire l’affaire ! Pas de choix personnel, juste des objets interchangeables, donc sans valeur propre !

- Les mots sont détournés de leur sens donnant lieu à un véritable « dictionnaire personnel ». Ainsi les auteurs nous citent l’exemple de cette patiente sexuellement abusée par son grand père qui se révolte contre le fait d’avoir été réduite à l’état d’esclave de son désir, qui s’entend répondre par son conjoint « effectivement, tu as toujours été très altruiste ». De fait l’inauthenticité de la relation se révèle dans cette inauthenticité de la communication. Le paradoxe est roi et la logique sans cesse attaquée, soit dans la logique de l’énoncé : celui qui dit à sa maitresse : « je suis fou amoureux de toi », suivi immédiatement de « ma femme est la seule qui n’ai jamais compté à mes yeux » ou encore la logique de la responsabilité « tu aurais pu t’apercevoir plus tôt que je te trompais ! »ou « tu t’en es aperçu trop tôt, je n’étais pas prête à me séparer ! » .

- L’ « injonction déprédatrice » appelée ainsi par les auteurs est la « forme princeps du passage à l’acte pervers » . Il s’agit de l’injection chez l’autre d’une partie de soi non acceptée. Elle passe par l’induction soit par séduction, soit par menace, le tout visant à persuader l’autre qu’il est véritablement ainsi et le pousser à agir de la sorte, et mettre ainsi en acte les côtés noirs du pervers qui se voit ainsi lavé de tout soupçon, voire peut se poser en « aidant » pour aider l’autre à se soigner !

- Un élément important des couples pervers est la « tension intersubjective perverse » dans laquelle attaques et ripostes visant à la prise de pouvoir tiennent lieu d’échange, de lien « amoureux », de fait les font vivre, se sentir exister. Les relations extra conjugales sont souvent ainsi utilisées dans le seul but de mettre la pression à l’autre, de (re)prendre le pouvoir sur lui par exemple par la menace de séparation. Car si l’amour est le grand absent de cet type de « relation », la séparation est carrément inenvisageable car ces êtres sont soudés pour ne pas dire « cimentés » étroitement par ….la pathologie ! La séparation est la pire de leur crainte, mais ils n’hésitent pas à l’utiliser contre l’autre (sans bien sûr jamais la mettre en oeuvre). Goût du risque ou certitude de la réaction de l’autre ? L’autre n’aura alors qu’à riposter en disqualifiant le propos, et tout continuera comme avant, mieux qu’avant même, puisque la tension étant réactivée, cela mettra du piment dans une relation où le principal reproche fait est souvent l’ « ennui », la « monotonie » ou la « lassitude », de fait le vide intérieur immense qu’ils portent en eux.

- Le choix du partenaire et le « contrat pervers » : Le partenaire n’est pas choisi pour ses qualités, mais pour ses failles dans lesquelles le pervers sent qu’il va pouvoir s’infiltrer. Un cas classique est le couple victime/sauveur. Un des deux partenaire peut être temporairement déstabilisé par un deuil par exemple ou un incident de vie qui le mettra en état de faiblesse. Cette faiblesse sera immédiatement repérée et attirera irrésistiblement le pervers « altruiste » qui éprouvera le besoin d’aider cet être si fragile, si démuni, l’endettant ainsi à vie envers son « bienfaiteur »…enfin du moins jusqu’au moment où par un quelconque moyen retors, le « faible » tentera de récupérer ce pouvoir ! A ces avantages « moraux » s’ajoutent très souvent des avantages matériels ou financiers. L’argent prend en effet une grande importance au point qu’il semble souvent remplacer par une transaction financière la transaction sentimentale.

- La dynamique de couple perverse ignore le temps, le changement, l’évolution. Ils sont restés comme figés dans un passé qui se répète inlassablement. Mêmes griefs qu’il y a 20 ans, mêmes sentiments…tout semble « actuel » même quand ça aurait largement du être dépassé. Elle est basée sur le mépris, expression de la mauvaise image de soi expulsée chez l’autre, la peur (ils jouent souvent sur la menace de séparation), la violence souvent subtile (chantages, menaces voilées, intimidations masquées derrière la séduction),
la culpabilisation, la mégalomanie patente y compris derrière une fausse modestie affichée, la falsification de la réalité et la destruction de tout ce qui s’oppose à eux. Citons encore la phobie de l’intimité, l’attaque de la capacité de penser de l’autre, la confusion semée à foison, et surtout…la complicité et le secret autour de ce non-lien qui doit être préservé à tout prix, de ce « contrat pervers » qui n’est contracté que pour être transgressé.


- Il arrive que les deux s’accordent pour faire de l’un d’entre eux un personnage hors du commun, une idole, ce qui parle bien de la mégalomanie sous-jacente et partagée par les deux protagonistes.

- Ce qui résume le mieux ce lien très particulier qui n’en est pas un est l’aspect stratégique omniprésent. C’est un rapport essentiellement calculateur qui unit les deux, chaque action, parole ou expression émotionnelle (en général feinte) étant mise en place pour entraîner immédiatement dans la foulée la réaction de l’autre. Mais que l’un d’entre eux tâche de s’échapper un tant soit peu du système, il se verra très vite « recadré » par l’autre qui fera en sorte qu’il y retourne au plus tôt. Mais ce qui permet d’attirer le mieux l’attention sur la possibilité d’une telle relation reste la discordance : entre ce qui est dit et ce qui est fait, ce qui est dit et ce qui est montré, éternel paradoxe omniprésent qui rendrait folle toute personne ne partageant pas cette « folie à deux » devenue pour eux mode de vie.

- Le secret est quasiment toujours de la partie, un secret lourd, qui parle de l’abus sexuel ou narcissique. Mais comme tout est paradoxal, ce secret soigneusement tu est par ailleurs exhibé : ainsi cette femme ayant subi l’inceste dans sa jeunesse qui a fait des pieds et des mains pour récupérer une vieille armoire destinée à être jetée par sa famille…l’armoire qui se trouvait dans la chambre de ses parents, face au lit même où elle subissait l’abus sexuel, et qui est maintenant….face au lit conjugal ! Et que dire de cet homme offrant à sa femme le parfum de sa maîtresse et exhibant dans son salon (entre autres) la reproduction d’un tableau qu’elle a chez elle obligeant à son insu son épouse à porter sur la peau ou avoir en face d’elle « l’autre »?

Je ne suis pas revenue sur les méthodes, manipulations, mensonges , ou plutôt subtils mélanges de mensonge et de vérité, injonctions paradoxales et toutes les subtilités de la communication perverse que vous trouverez décrites par ailleurs dans le bulletin 35 intitulé « le harcèlement moral ». Je me propose plutôt de soulever les questions qui se posent inévitablement aux vues d’une telle anti-relation. Pourquoi ? Dans quel but ? Sont-ils conscients de ce qu’ils font ?
A la question « pourquoi ? » je pense qu’on peut répondre sans hésitation : par vengeance et par peur. Vengeance d’un passé dans lequel ils ont été victimes eux-mêmes d’abus sexuels ou narcissiques, ou de violence physique ou morale… Ils ont renversé la situation et sont maintenant devenu l’agresseur. Ceci va dans le sens de leur déresponsabilisation car ils continuent à se sentir victimes donc parfaitement justifiés dans leurs conduites. Par peur ensuite car de telles relations sèment en celui ou celle qui les a subi la peur, voire la terreur…de l’autre, de l’amour, de l’intimité dont ils ont une expérience redoutable qu’ils craignent de voir se reproduire. Ainsi peut-on voir un couple qui fonctionnera bien…jusqu’au jour où ils décident de vivre ensemble, ce qui met bien en relief le rôle de la phobie de l’intimité dans la mise en place de la relation perverse de couple. Il s’agit avant tout de ne jamais donner à l’autre potentiellement agresseur le moindre pouvoir sur eux (donc prendre le pouvoir sur l’autre reste le meilleur moyen d’éviter ça,), de ne jamais montrer de faille, ne jamais donner de prise à l’autre (donc ne jamais aimer, car bien sûr c’est là une situation à haut risque).

Le but, se déduit très logiquement : la prise de pouvoir sur l’autre qu’on veut ainsi « neutraliser ». De fait il s’agit de neutraliser la dangerosité liée à un lien amoureux et les blessures qui en découlent. Pour cela il faut vider l’autre de sa substance en s’attaquant en priorité à son désir et sa capacité de penser. Comme Racamier le dit, il y a « décervelage », déshumanisation de l’autre réduit à un statut d’objet manipulable à son avantage. Y-a-t-il prise en compte des conséquences sur l’autre d’une telle déshumanisation ? Ce n’est pas sûr car l’incestualité règne en maître absolu dans ces relations où la différence de l’autre n’est pas reconnue en tant que telle, où l’autre n’est que prolongement de soi, sorte de « phallus » qui assure la toute puissance. Le respect, l’empathie, l’altérité n’ont pas vraiment de place dans cet amalgame où on en arrive à ne plus savoir qui est qui, où des individus aux frontières mal établies se mélangent dans le déni de la séparation des êtres…De toute façon, leur monde psychique est tellement pauvre, tellement tourné vers l’agir et le « faire agir » que ça devient une occupation à plein temps au détriment de toute capacité de penser, de fantasmer, de désirer…Pas étonnant dans ce cas que la somatisation soit le seul moyen qui leur reste pour exprimer cette souffrance totalement déniée et projetée sur l’autre. Pas étonnant non plus que la somatisation soit souvent sexuelle, lieu par excellence de l’intimité ! A moins que la sexualité devenue objet de décharge de tension, totalement coupée de l’affect serve leur recherche de sensations fortes, une sorte de piètre réanimation de leur vide !

Quant au niveau de conscience….je ne sais simplement pas ! J’ai rencontré des personnes conscientes de leur problème et des conséquences sur l’autre, souvent leur propre enfant, sincèrement désireuses de se soigner…peu sont allées jusqu’au bout. D’autres exhibaient dans la plus totale innocence leurs agirs, expliquant qu’elles ne pouvaient faire autrement, qu’elles ne comprenaient pas….(me suis-je faite « avoir » en croyant en leur sincérité même partielle ?). D’autres encore incapables de supporter le moindre conflit le déchargeait dans des agirs pervers ponctuels ou évitaient de faire face à leur problème en pervertissant la relation à l’autre, un autre qu’elles étaient incapables de reconnaître comme tel. D’autres encore dissimulées dans l’ombre de leur « innocence » tiraient les ficelles d’un conjoint qui agissait au grand jour leur perversion à elles. Enfin, oui, chez certaines la jubilation au détriment de l’autre était évidente et la conscience de la manipulation certaine, manipulation devenue pour elles un « art majeur » et à laquelle elles consacraient tout leur temps et toute leur énergie…Doit-on réserver le terme de « pervers » à cette dernière catégorie d’individus ? Mais alors que sont les autres : des « demi-pervers », des « pervertis », des « fous » ? Hurni et Stoll ont une approche intéressante : ils témoignent du fait que quand on met en évidence leurs mécanismes, les pervers les reconnaissent assez facilement, si quelque chose les choque, c’est qu’on semble ne pas trouver cela complètement naturel et pire que tout…qu’on en parle !

En tout cas appelons simplement ce type de « non-relation » des « relations hautement toxiques » et je ne peux que faire chorus avec MF Hirigoyen en disant « courage fuyez ! » ou encore avec Racamier : « tuez les ils s’en foutent, ignorez les, ils en crèvent ! »

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Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe et fausse (H.L. Mencken)
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