Je n'avais pas l'intention de rajouter un post ici à mon sujet. Puis, j'ai lu le post de Barnabée sur cocus-bar et j'ai voulu lui répondre mais finalement, c'est trop long, trop personnel et c'est pas une réponse, juste une forme d'echo à ce qu'elle ressent. Et moi, ce qui m'aide le plus, c'est pas les conseils des uns et des autres mais les echos. Je parle de mon histoire et l'autre me parle de la sienne. Ca m'aide à me sentir moins seule. Alors, Barnabée, je ne sais pas si t'es comme moi mais à tout hasard, c'est à toi que je raconte ca.
Avant hier, le telephone de mon homme a sonné. Il a regardé l'écran, n'a pas répondu et devant mon regard interrogatif m'a dit "C'est S." Cette fille faisait partie de la bande, une soi-disant copine donc. Mais depuis 10 mois, je n'ai pas eu un seul coup de fil, pas un message de sa part. Et puis, la semaine derniere, sur facebook, elle a envoyé une invitation à ma fille pour etre amie. Et puis, avant hier, ce coup de fil. J'étais tellement contente qu'il me le dise. Je pensais qu'elle telephonais pour nous inviter à son mariage. C'était pas possible bien sur puiqu'elle a auss invité la petasse et j'etais aussi un peu vexée qu'elle contacte ma fille et mon homme mais pas moi. Bref, j'attends qu'il me dise ce qu'il y avait dans le message mais il me répond qu'il n'y avait pas de message. J'étais septique, c'est pas son genre à S de pas laisser de message. Alors le soir, quand il s'est endormi, j'ai pris son telephone et là, surprise, il etait eteint, ce qui n'est pas arrivé depuis 6 mois. Bien sur, la machine à penser s'est mise en route. Je me suis dit qu'en fait, c'est la petasse qui avait pris le telephone de S etqu'elle avait laissé un message et que c'etait pour ca qu'il avait eteint le telephone etc etc.... J'ai pas pu dormir. Finalement, le lendemain, j'ai fait une crise de nerf épouvantable, tout ca pour m'apercevoir que finalement, le message avait mis du temps à être signalé sur le téléphone mais c'etait bien S qui avait besoin de mon homme parce que sa freebox etait en panne. silence pendant 10 mois et le premier contact, c'etait pour demander de lui rendre service. En rage, j'ai pris le téléphone de mon homme, j'ai rappelé S. et je lui ai dit que je ne voulais plus entendre parler d'elle ni de personne. J'ai dit "je sais que tu n’y est pour rien mais tu es l’amie de cette pourriture alors je ne veux plus entendre parler de vous. Alors si tu as des problemes d’ordinateur, appelle un réparateur. Merci. Au revoir"
Alors voici le sms qu'elle m'a envoyé: « Tu es vraiment malade ! Ne mélange pas tout ! Comme tu craches sur nous là, dire que dans ton salon traîne la table de ma défunte mère, que je t’ai passé le congélateur, et plein d’autres choses comme des sentiments ! Et toi, tu parles au nom de ton mari, je ne vais pas lui sauter dessus va ! Il s’est proposé volontiers ! Ca me fait pitié ton histoire »
Honnetement, j'ai été un peu interloquée par sa facon de voir les choses. Alors j'ai pris mon ordi et j'ai écrit ce que je ressentais:
D’abord, il y a eu la première et la dernière phrase : Tu es malade ! Ça me fait pitié ton histoire. Ca sonne tellement juste, c’est tellement vrai. Oui, je suis malade, je me sens malade. Malade de chagrin, malade d’angoisse, malade de dégoût, malade de rage. Des émotions m’habitent que je ne connaissais pas, qui m’envahissent et m’étouffent, me déforment. Ce n’est pas moi, je n’ai jamais été comme ça, ça ne me ressemble pas. Je suis malade, contaminé par quelque chose qui m’était inconnu. La jalousie féroce et irrépressible, la colère, la haine. Le refus aussi. Impossible d’accepter. Non, c’est pas vrai, ça n’a pas pu arriver. Moi, si pragmatique. Plan A, plan B, plan B bis. Ma vie organisée comme un algorithme, si-alors-sinon. Action entraîne réaction. Voici la base de faits et voici les règles. A implique B donc non-B implique non-A. Vie organisée, planifiée, construite selon le schéma qui convient, depuis 25 ans maintenant. Tout s’enchaîne dans l’ordre. Les conditions de la règle sont vérifiées, la règle s’applique, la conséquence devient un fait de la base de faits et tout recommence. Et puis soudain, le fait inattendu pour lequel il n’existe aucune règle. La règle qui produit l’inverse du résultat attendu. Dévouement + amitié + amour + attention => trahison + mensonge + destruction + abandon.
Le grain de sable a détruit la machine bien huilée. Je blesse, je fais du mal et je détruits ceux que j’aime tandis que je suis blessée, dépouillé et détruite pas ceux que je hais. Ami devient danger. La vie est devenue un négatif, tout s’inverse. Je ne peux plus appliquer les règles, le moteur est cassé. Ma vie part en coucougnette, je casse au lieu de bâtir. Je suis malade.
Mon histoire fait pitié, ma famille fait pitié. Je ne sais plus profiter de ce qui est bon. Je m’acharne à pourrir de que je construit. Comme Pénélope, je détricote la nuit ce que j’ai cousu la journée. Je suis une mouche enfermée dans un bocal. Je me cogne contre les parois sans trouver d’issue. Personne ne peut m’aider. Je suis seule dans le bocal. Les autres se trouvent de l’autre coté des murs de verre. Je les vois comme s’ils étaient avec moi mais le verre transparent m’empêche de les atteindre. Il vaquent à leurs occupations, font leur vie de l’autre coté parce qu’ils ne peuvent pas rester collés à la paroi de verre, parce qu’ils doivent vivre. Il veulent m’aider, viennent régulièrement mais ne peuvent rien pour moi. Je suis prisonnière du bocal. Je suis seule à pouvoir trouver l’issue. Personne ne peut rien pour moi. Je dois trouver le chemin de la sortie, mon chemin. Mais impossible parce que je suis malade. Retour à la case départ. Je tourne en rond, fatiguée.
Alors je bois. Je n’ai jamais trop bu avant ça mais maintenant je bois. J’attends ça avec impatience. Je n’ai jamais trop supporté l’alcool avec 3 verres de vins et je suis complètement bourrée. J’ai mal à la tête, souvent, parce que je ne supporte pas l’alcool. J’ai envie de vomir aussi mais ça m’empêche de manger. C’est mieux comme ça. J’ai perdu 12kg. Maintenant, je me reconnais dans une glace, c’est bien moi, vieille, fatiguée, un peu moche avec des cernes sous les yeux, les seins qui pendent, le ventre mou, les cheveux courts et clairsemés. A poil, c’est pas jojo mais habillée, maquillée, coiffée et dans une lumière tamisée, c’est moi. A peu près. A part le sourire, la joie de vivre, l’humour. Le lion a marqué mon visage, au dessus du nez, les marques sont profondes et les rides des soucis creusent mon front. Je cherche celles du sourire sans les trouver. Pourtant, 25 ans de sourire et seulement 1 de larmes, ça n’aurait pas du marquer si vite. L’ovale du visage s’est affaissé et je peux voir les joues qui commencent à pendre. Je peux imaginer la tête de petite vieille que j’aurais. Parfois, dans la glace, je tire la peau de mon visage et les joues remontent, les sillons le long des joues et les petites ridules autour de la bouche, les poches sous les yeux et les paupières affaissées, tout cela disparaît en tirant juste un petit peu. Peut-être qu’une simple couette bien serrée, bien tirée. Mais non, une couette avec mes quelques cheveux, ça fait queue de rat coupée, ça fait pitié, comme mon histoire.
C’est bizarre, je pensais être plus forte, plus fataliste, plus pragmatique que ça. Moins amoureuse et moins dépendante aussi. Jamais je n’aurais pensé faire pitié. Comme on peut se tromper sur soi même. C’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur. De loin, il semble lisse, solide et beau, à l’épreuve du temps, d’une belle couleur de pierre crème mais de près, on voit les détails, la décrépitude, les pierres qui se descellent et la jolie patine n’est en réalité que le salpètre qui gangrène le mur. Bizarrement, je croyais que faire pitié me ferait honte. Je n’ai jamais fait pitié à personne, bien au contraire. J’ai toujours eu l’image d’une personne dure et froide et forte, une personne sur laquelle on peut compter, sur laquelle on s’appuie et qu’on appelle à la rescousse sans jamais avoir besoin de dire « Et toi, comment ça va ? T’as besoin de moi ? » Non, j’ai toujours été celle qui n’avait besoin de personne, à qui on ne demandait même pas. « Oh toi, je ne me fais pas de soucis pour toi. Tu as de la ressource. Tu as toujours été indépendante et forte. Tu t’en sortiras ».
Ca fait pitié ton histoire ! Ces mots, faits pour blesser, m’apportent au contraire un curieux sentiment de reconnaissance et d’apaisement. Oui, je fais pitié, mon histoire fait pitié, je suis petite et faible et ma vie qui tourne en eau de boudin fait pitié. Enfin ! Les apparences ne sont enfin plus sauves, J’ai le droit, je me donne le droit d’être faible, un peu minable, un peu inférieure. J’ai la permission officielle, la reconnaissance de mon incapacité à maîtriser ma vie et mes émotions.Ca fait pitié mon histoire, comme un colosse aux pieds d’argile qui s’effondre parce qu’une vague vient de lui lécher les jambes, je tombe et je me casse en morceaux.
Ce fait 1 an maintenant que ma vie s’est effondrée. La vie, c’est pas les faits concrets, c’est pas la vision objective des événements qui s’y passent mais c’est plutôt la représentation mentale qu’on s’en fait et la place qu’on se voit y occuper. On a une idée de qui on est, de qui sont ceux qui nous entourent, de son univers et de la place qu’on y occupe. Un soir de septembre, un cataclysme a fait exploser cette image sans que rien ne m’y ait préparé. L’espace d’une soirée, mon univers s’est effondré. Comme une image qui se brouille, comme une ville qui reçoit une bombe, tout ce que je croyais être MA vie a été réduit en poussière. Je suis restée là, témoin impuissante du désastre, pleurant, hurlant, me tordant les mains, suppliante tandis que tout ce que j’avais construit disparaissait dans le néant. Mon homme, le seul amour de ma vie me trompait avec ma meilleure amie, la seule que je n’ai jamais eue. Ceux à qui je donnais le meilleur de moi-même, dont je pensais qu’ils m’aimaient autant que je les aimais, dont je tentais de prendre soin du mieux que je pouvais et pour qui je pensais compter, les seuls dont je pensais qu’il avaient à cœur de me protéger étaient en train de me tuer, de me détruire, de me trahir, de m’abandonner, de me torturer. Jamais je n’ai eu aussi mal de ma vie.
Et puis, au bout de quelques mois, l’image s’est à nouveau inversée, tout s’est remis en place, le paysage s’est reconstruit. Comme un film qu’on visionne à l’envers, la poussière s’est agglomérée, reformant les briques de ma vie, remontant les maisons, les immeubles, l’univers. La poussière s’est dissipée, tout était redevenu comme avant. Sauf moi. Je reste les bras ballants, incrédule, incapable d’y croire, incapable de bouger, vidée, effondrée, broyée, pétrifiée, sidérée. Un arrêt sur image s’est produit. C’est comme dans ces films de la quatrième dimension quand tout à coup, l’univers se fige et le temps s’arrête. Le héros se déplace au milieu de personnages immobiles, figés dans la position dans laquelle le temps les a surpris, comme à Pompéi, des humains, vaquant à leurs occupations quotidienne tout à coup prisonniers d’une une gangue de pierre.
Mon cœur est pétrifié d’angoisse. Je n’ai pas compris ce qu’il s’est passé. Je comprends les mots, les explications, ce qui nous a mené là, comment les choses se sont passées, quand, comment, pourquoi mais je ne comprends pas le principal. Pourquoi j’ai si peu compté, pourquoi je n’ai pas été assez aimée pour être protégé de ce cataclysme. J’ai peur, je suis anesthésiée, je ne ressens plus l’amour qu’on pourrait me porter. Ce jour là, je suis restée seule, désespérément seule, prisonnière à l’intérieur de moi-même, incapable de me faire entendre. Les mots qui sortent de ma bouche ne sont pas compris. Ils n’arrivent pas à exprimer ce que je ressens. Et je me gangrène de l’intérieur. Je pourris et je me décompose dans l’atmosphère confinée de mon cerveau malade, prisonnière de mon chagrin, de ma culpabilité. Si seulement… comment n’ai-je pas vu… qu’aurais-je du faire, comment m’en sortir, je suis malade, je suis vidée de toute énergie. Je n’existe plus. Je suis devenue un torrent de larmes que rien ne parvient à endiguer. Toute la journée, je coule et je ruisselle, et je fabrique des torrents de boue qui emportent tout sur leur passage. Je n’apporte plus rien à personne, je n’aide plus, je ne protège plus, je suis devenue une fabrique à chagrin dont on détourne les yeux, un crève-cœur, une mendiante pour qui on ne peut rien. J’agace. Pourquoi est-ce que tu te complais dans ce misérabilisme ? Qu’est ce que tu cherches ? C’est que je ne crois plus aux mots que l’on me dit. Je les entends, je les comprends, je les crois dans mon cerveau raisonnable mais ma raison s’est déconnectée de mes émotions. Les deux parties se sont scindées, séparées par un mur infranchissable. Je ne crois plus qu’aux caresses, aux baisers, aux câlins mais mes larmes, mes doutes, mes angoisses les empêchent.
Tous les matins, lorsque je me réveille, durant quelques secondes, je me sens bien, reposée, le cerveau vide. Et tout à coup, mon ventre se crispe, une contraction qui commence quelque part au niveau du sternum et remonte vers la gorge, et ça y est, les larmes jaillissent. Désolant, lamentable, pitoyable, répugnant, agaçant, exaspérant, repoussant, désespérant, stupide.
Pourquoi est-ce si grave pour moi et seulement pour moi. C’est si banal. Tout le monde parvient à s’en remettre d’une manière ou d’une autre. Certains ne peuvent pas pardonner et s’en vont. D’autre le peuvent et acceptent. Je lui pardonne. Ca c’est sur, je lui pardonne, à lui seulement. C’est à moi que je ne parviens pas à pardonner. J’ai tout fait de travers. Je n’ai pas su profiter de ce que j’avais quand je l’avais. J’ai donné tout ce que je pouvais sauf ce qu’on attendait de moi. Et aujourd’hui, je continu, je fais pareil. Et je sais bien ce qui va se passer. Je le vois arriver jour après jour mais je n’arrive pas à arrêter la machine infernale. C’est comme si j’étais possédée par une force que je n’arrive pas à contrôler. Quelle est cette partie de moi qui s’acharne à détruire ce que mon cœur veut obtenir. J’ai tout fait tout à l’envers, je n’ai aucune lucidité. J’ai l’intelligence mais aucun bon sens. Je suis inadéquate. Je hurle « aime-moi » et quand il me dit « je t’aime », je réponds « insuffisant, peut mieux faire ». Mais faire quoi de mieux ? Pas de réponse. Je n’ai pas de réponse. Je crie « répare-moi ». Il me dit « comment ? » et je n’ai pas de réponse encore une fois. Quelle imbécile je fais.
Chaque jour qui passe, je prends des résolutions que je m’empresse de ne pas tenir. Je le sens qui s’éloigne de moi jour après jour. Je lui fais peur je crois. Eternellement insatisfaite.
Voila, c'est écrit et ca va mieux.